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COURS DE PHILOSOPHIE - Année scolaire 2024 / 2025

Samedi 26 avril 2025

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Concepts-clés de philosophie

Liste de concepts-clés de quelques philosophes.


Chaque philosophe donne un sens particulier à un mot particulier. C'est souvent ce mot que retient l'histoire et que l'on accole spontanément à tel ou tel penseur. Ainsi, on parle de la "méthode" cartésienne, du "parallélisme" spinoziste, de la "Volonté" schopenhauerienne, etc.
Bien sûr, on ne peut pas réduire une vie entière de réflexion à un seul concept. Ce serait un raccourci on ne peut plus condamnable. En même temps, il ne serait pas très convenable de l'ignorer. Du moins, c'est ce que l'on attend d'un candidat au baccalauréat.
Vous trouverez ici une vingtaine de ces associations célèbres, exposées succinctement et l'endroit de l'œuvre où vous pourrez en trouver l'exposé.
Certains philosophes sont connus pour plusieurs concepts. Par exemple, il est aisé de lier le divertissement, l'infini ou encore l'imagination au nom de Blaise Pascal. Nous choisirons arbitrairement l'un d'eux afin de ne pas trop compliquer la tâche.
Ces explications complètent le cours.



ARISTOTE (-387 / -322) : la cause finale De l'âme

Quand on demande ce qui a rendu possible le plafond de la Chapelle Sixtine on peut trouver plusieurs causes. D'abord, on dira que c'est Michel-Ange. Sans son talent, cela ne serait pas aussi beau. Mais, n'oublions pas qu'il y a aussi le sujet de l'œuvre : la Création et l'Ancien Testament. Puis, il y a l'aspect matériel, la technique, la "fresca" qui en impose avec les compétences techniques que cela suppose. Enfin, il ne faudrait oublier le commanditaire dont le but est très clair : magnifier le christianisme. Alors, quelle est la cause ? Est-ce le peintre (la cause motrice) ? Est-ce l'image d'un dieu barbu sur un nuage (la cause formelle) ? Est-ce un plafond en haut du centre de la chrétienté (la cause matérielle) ? Est-ce la glorification du christianisme (la cause finale) ? Pour Aristote la solution est simple, c'est la cause finale qui produit tout acte créateur, physique ou vital. Tout commence par l'intelligence qui conduit à l'acte. L'âme explique tout.

BACHELARD Gaston (1884-1962) : l'obstacle épistémologique La formation de l'esprit scientifique

De l'histoire des sciences on ne retient généralement que les grandes découvertes. On voit dans la science surtout un processus efficace de conquête. Gaston Bachelard ne s'arrête pas à cela. Pour lui l'esprit scientifique est plus vivant et plus complexe qu'une machine destinée à dominer le savoir. Certes, les scientifiques se trompent, mais là n'est pas le problème. Il leur arrive aussi de ne pas voir ce qui est sous leurs yeux, de pécher par aveuglement. C'est cela l'obstacle épistémologique. C'est quand les préjugés d'un homme ou d'une époque empêche une découverte ou une avancée majeure. On dit obstacle épistémologique, mais on pourrait dire obstacle psychologique ou obstacle culturel. Les exemples sont nombreux. Tycho-Brahe ne parvient pas à penser le mouvement elliptique des planètes car il reste acquis à l'idée des orbes concentriques d'Aristote. Et pourtant, ses relevés et ses cartes du ciel montrent le contraire. Einstein refuse que le hasard gouverne la matière au niveau subatomique, il dit que "Dieu ne joue pas aux dés", et pourtant, il est athée et il est à l'origine de la théorie des quantas. Parfois, nous ne pouvons pas sauter au-dessus de nos préjugés.

DARWIN Charles – L’évolutionDe l’origine des espèces

Charles Darwin est un scientifique majeur, mais c’est aussi un philosophe à sa manière et l’apport conceptuel de ses théories mérite cent fois sa place dans cette liste. Que dit Darwin ?
D’abord que le monde n’a pas pu être créé par un dieu démiurge il y a 6000 ans. Les couches géologiques montrent qu’il faut calculer l’âge de la Terre en milliards d’années.
Ensuite que les espèces ne sont pas fixes : elles naissent, elles évoluent et souvent, elles meurent. Il n’y a pas un « zoo primitif » dont nous pourrions encore contempler les pensionnaires. D’ailleurs, nous-mêmes, nous ne sommes que le produit de l’évolution des grands singes.
Enfin, que le moteur de l’évolution des espèces est la sélection naturelle. Celle-ci n’a strictement pas de finalité divine ou rationnelle. Elle ne repose que sur la capacité qu’ont les espèces à s’adapter aux modifications de l’environnement. Soit on s’adapte soit on disparait. Et tout cela est très intimement lié aux modifications climatiques ou aux grands accidents géologiques.
Bref, s’il y a bien de la nécessité (les chats ne font pas des chiens), c’est surtout le hasard qui guide l’évolution. Nous ne sommes donc que peu de chose.

DÉMOCRITE (-460 / -370) : l'atome (voir Épicure Lettre à Hérodote et Lettre à Pythoclès)

À l'époque où naissent les sciences, on cherche à comprendre la nature du monde, on cherche à expliquer la réalité. De quoi le monde est-il fait ? Est-il le résultat d'une force immatérielle supérieure ou bien se suffit-il à lui-même ? C'est cette dernière explication que retient Démocrite. Pour lui, le monde n'est pas divin, c'est une réalité physique qui répond à des lois physiques. Pour ce faire, il faut qu'il soit composé d'éléments qui rendent compte physiquement de ces lois. Il faut des éléments matériels qui puissent rendre compte de tous les phénomènes naturels. Il nommera ces éléments les "atomes" (les "indivisibles"), les bases, les "briques" de l'univers. C'est à partir de celles-ci que le monde devient lisible. Pour un atomiste, les idées sont secondaires, d'un point de vue scientifique. Au mieux, les idées peuvent rendre compte de la beauté d'un monde dont elles peuvent, au mieux, poétiser la réalité. Ce qui n'est déjà pas une mince affaire.

DESCARTES René (1596-1650) : le cogito Discours de la méthode

"Cogito", en latin, ce la veut dire : "Je pense". C'est une abréviation pour l'expression : "Cogito ergo sum", à savoir : "Je pense donc je suis". Dans son "Discours de la méthode", Descartes part du principe qu'il ne peut y avoir de base plus solide, pour la connaissance, que le sujet pensant. En effet, je peux douter de tout ce que je perçois, mais je ne peux pas douter du fait que je pense. Le simple fait de douter implique celui de penser. Aussi, si la vérité est ce qui apparait à la fois clairement et distinctement, il ne saurait y avoir de vérité plus évidente que le fait que je suis un être pensant. C'est donc de là qu'il faut partir. La conscience n'est pas le miroir vide de la réalité, elle est ce qui nous permet d'avoir accès au monde. C'est un beau paradoxe, car le commun des mortels n'hésite pas à accorder une confiance aveugle à ce qui l'entoure. Selon Descartes, cette doxa est vraiment aveugle. Elle ne voit pas que c'est la pensée qui structure le monde et non l'inverse.

ÉPICURE (-342 / -270) : le plaisir Lettre à Ménécée

On imagine mal combien de gens confondent le plaisir et le "plaisir" (les guillemets sont le signe d'une certaine réflexion). De nombreux restaurants se disent épicuriens pour mieux vendre un plaisir facile basé sur l'excès de nourriture et d'alcool. Or, rien ne s'oppose davantage à un épicurien qu'un homme obèse ou un alcoolique. Le "plaisir" épicurien est une chose rare et coûteuse (en sagesse) que ne peut pas s'offrir le simple jouisseur. Il y a bien du plaisir, dans l'eudémonisme épicurien, mais c'est un plaisir qui connait ses limites. Il n'est jamais luxueux ou dispendieux. Il aime la mesure, il souscrit aux besoins naturels et sait aimer le confort. Mais toujours sans excès. Pour être heureux, l'épicurien sait accepter ou renoncer à un verre de vin. Car la mesure n'a rien de physique, c'est une question d'opportunité. Ce qui compte, c'est le but. Si le verre de vin aboutit à de la sobriété, alors il ne faut pas hésiter. Mais si c'est de l'ivresse, alors il faut fuir. Tout est une question mesure.

FOUCAULT Michel (1925-1984) : la biopolitique Surveiller et punir

Le terme biopolitique désigne, selon Michel Foucault, la manière spécifique dont s'organise le pouvoir contemporain. En effet, jusqu'au XVIIIe siècle, le pouvoir se présente sous la forme d'un souverain dominateur qui impose sa volonté du haut d'un trône inaccessible pour le commun des mortels. Le pouvoir est vertical, il commande de haut comme le père domine ses enfants. Or, ceci change au courant du XIXe siècle. A ce moment, selon Michel Foucault, le pouvoir cesse d'être une instance visible, extérieure au groupe. Il s'immisce dans le corps social au point de ne plus faire qu'un avec lui. La biopolitique c'est quand le citoyen obéit comme il respire. Quand il se soumet sans même s'en rendre compte, car l'autorité est non seulement invisible, mais elle est aussi indolore. Elle s'exerce à partir d'instances aussi évidentes que le travail, l'économie, la médecine, le droit... Par exemple, on ne donne plus d'ordre, on fixe des objectifs. De même, on suggère une démarche davantage qu'on impose une règle. Bref, on fait que l'on appelle aujourd'hui du "management".

FREUD Sigmund (1856-1939) : l'inconscient
Introduction à la psychanalyse

Quand on parle de l'inconscient freudien, il faut bien se garder de ne pas confondre ce terme avec l'idée "d'inconscience". "L'inconscience" n'est rien d'autre que ce qui échappe à la conscience par mégarde ou absence d'attention. Ce n'est pas de cela que l'on parle ici. Pour Freud, l'inconscient désigne une partie active du psychisme, ce n'est pas un ensemble de ratages déstructurés. Il est aussi important et joue un rôle aussi positif que la conscience. Il n'y a pas moins de réalité et d'identité dans l'inconscient que dans la conscience. C'est une part de nous-mêmes qui s'exprime, par exemple, dans nos rêves. L'inconscient nous révèle un aspect de nous-mêmes que nous ne souhaitons pas forcément faire apparaître au grand jour. C'est notre "intimité" au sens étymologique, c'est-à-dire ce qui est le plus moi, en moi. C'est aussi la partie libre de nous-mêmes, celle qui s'exprime hors de la censure ou des codes moraux souvent oppressants.

HEGEL Friedrich (1770-1832) : la dialectique
- Phénoménologie de l'Esprit

Le terme dialectique renvoie généralement à une forme de dialogue, principalement chez Platon. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. En fait, Hegel n'utilise pas le terme grec, il dit "Aufhebung" en allemand que l'on traduit, plus ou moins justement, par dialectique. Ce terme désigne un double mouvement : une "négation/transformation", comme le proposent plusieurs traductions. L'idée est d'obtenir un résultat paradoxal, par exemple en unissant deux contraires. L'exemple le plus célèbre est celui de la "dialectique du maître et de l'esclave". À l'origine, l'esclave est le jouet du maître mais, par son travail, il se rend indispensable. À la fin, il devient le maître du maître. De la servitude est née une liberté, ce qui semble contradictoire. On peut aussi dire que c'est un mouvement qui reposé sur la négation de sa propre cause. Ainsi, le fruit naît de la négation de la fleur, qui naît elle-même de la négation du bourgeon. Voilà le processus dialectique.

HUME David (1711-1776) : la sympathieEnquête sur l'entendement humain

La sympathie, selon Hume, n'est pas très loin de ce que la doxa entend généralement par cette notion. Il s’agit d'une disposition favorable que l'on éprouve à l'égard de l'un de nos semblables, qu'on le connaisse ou non. Mais Hume dépasse le clivage psychologique, il en fait une qualité propre à notre espèce, il l'inscrit dans notre nature. S'il existe une nature humaine, il faut bien qu'elle s'exprime d'une manière ou d'une autre. L'individu dit pouvoir "sentir" quelque chose de spécifique pour son semblable qu'il ne ressentirait ni pour un animal ni pour une chose. C'est cela la sympathie, ce qui nous permet de comprendre l'humanité de l'homme, la manière dont il éprouve le monde, ce qu'il peut ressentir pour les choses, pour les êtres voire pour notre personne. La sympathie, c'est comprendre le lien, l'affect qui nous lie aux autres. C'est ce qui fait que nous pouvons nous définir comme des semblables. Hume affirme qu'une morale est possible sur cette base.

HEIDEGGER Martin (1889-1976) : la poiésisAcheminement vers la parole

Quand Heidegger utilise le mot "poiésis", c'est bien pour parler de la poésie. C'est surtout pour souligner l'étymologie du terme. En grec, "poiésis" signifie la "création". Le poème n'est pas invoqué pour sa capacité à produire de belles images ou de belles sonorités. Ici, c'est sa force productrice qui est sollicitée. Rimbaud parlait d'alchimie du Verbe. Pour Heidegger, il n'y a pas de parole plus profonde et plus proche de l'Etre que la poésie. Parce qu'elle dépasse le discours rationnel, elle a une puissance invocatrice qui nous permet de communiquer le plus profondément avec ce qui fait l'essence de l'homme : la parole. Dans Acheminement vers la parole, nous sommes prévenus : l'homme parle même lorsqu'il se tait. L'homme est verbe, c'est de cela qu'il est fait et c'est cela qui le fait exister. La poésie, dans sa forme "poiésis" est l'expression de cette condition existentielle.

KANT Emmanuel (1724-1804) : l'impératif catégoriqueCritique de la faculté de juger

La morale kantienne est une morale du devoir. Cela signifie que ce qui importe, ce n'est pas qu'il y ait des conséquences positives ou négatives à nos actions, mais qu'elles procèdent d'un principe juste et universel. L'un des énoncés de l'impératif catégorique est : " agis selon la maxime qui fait que tu peux vouloir qu'elle devienne en même temps une loi universelle". Puis-je mentir pour épargner un ami ? Non, car le mensonge ne saurait jamais être moral : il n'est pas universalisable. Et cela, peu importe que la conséquence soit positive ou négative, car ce n'est pas là que cela se joue. Pour Kant, il faut faire ce qui doit être fait. Cela peut paraître très dur, voire peu compréhensible à quelqu'un qui vit selon une logique pragmatique, mais le "pragmatisme" est-il vraiment indemne de toute compromission ? Est-il forcément moral ?

LUCRECE (-95 (?) /-55) Le clinamen De Rerum Natura

Fils spirituel de Démocrite et d'Épicure, Lucrèce nous explique comment fonctionne le monde physique et pourquoi la vie est la vie. Pour lui, la vie n'a rien de divin ou de miraculeux. C'est le résultat du jeu des atomes entre eux. Ils se rapportent les uns aux autres selon des lois physiques comme la causalité ou un certain déterminisme voire une forme d’attirance « magnétique » (quand les atomes sont crochus, ils se lient ensemble).
Mais, si les atomes coexistaient dans un monde parfait, il n’y aurait pas de mouvement. Ils seraient tous autosuffisants et à exacte distance les uns des autres. Ce serait comme une « pluie statique » exempte de toute vie.
Heureusement qu’il n’en est pas ainsi. Les atomes ne se déplacent pas en ligne droite. Ils ont tous une légère inclinaison, une légère déviance (clinamen, en latin). Ainsi, tôt ou tard, ils s’entrechoquent pour créer une dynamique propice à générer des formes et des effets. De ce relatif désordre naît la vie.

MACHIAVEL Nicolas (1469-1527) : la fortune et la virtùLe Prince

Machiavel est un être pragmatique. En homme politique avisé, il conçoit qu’une action procède toujours de deux facteurs. Primo, il y a les circonstances, la part d’impondérable qui va intervenir de manière positive ou négative sur le résultat de notre action. C’est le « manque de pot » ou le « coup de bol ». Machiavel appelle cela la « fortune ». Bref, quelque chose qui ne dépend pas de nous. Deuxièmement, il y a notre habileté, notre capacité à gérer nos actions. À travers notre intelligence de la situation, notre capacité à prévoir, notre réactivité nous pouvons faire qu’une situation soit en notre faveur ou bien qu’elle nous échappe. C’est la « virtù », que l’on se gardera bien de traduire par « vertu ». Conservons le terme voulu par l’auteur.
Selon Machiavel, la fortune et la virtù jouent à hauteur égale dans notre puissance d’agir. Il se refuse à penser un destin qui nous laminerait (où la fortune dominerait) et il ne croit pas à la toute-puissance de la volonté. C’est le théoricien de l’habileté, de cet art de combiner la puissance de l’homme et celle de la nature. Il n’existe aucune recette idéale pour être libre. Chaque décision, chaque acte doit s’inscrire dans le contexte spécifique de sa réalisation.

MARX Karl (1818-1883) : le matérialisme historiqueL'idéologie allemande

Pour Marx, la philosophie ne doit pas descendre du Ciel pour arriver sur la Terre. Ce ne sont pas les grands idéaux qui dominent la matière, mais ce sont les conditions historiques qui déterminent les idéaux. C’est cela que signifie le « matérialisme », il faut partir des faits et non des idées.
Or, quand on interroge les faits, on se rend compte que l’histoire est dominée par un principe qui traverse toutes les époques depuis l’antiquité. Ce principe, c’est la lutte des classes. Partout et toujours, les sociétés se constituent à partir d’une dynamique qui fait qu’il y a un groupe qui domine et un groupe qui est dominé. Par exemple, les maîtres et les esclaves, les seigneurs et les paysans, les bourgeois et le prolétariat, etc. Bien sûr, les premiers font tout pour conserver leurs privilèges alors que les seconds luttent pour échapper à leur servitude.
L’idée de Marx est qu’il faudrait trouver un moyen de mettre fin à cette lutte en réalisant les conditions de l’égalité de tous. Mais comme ce rapport de force est ancré de manière profonde dans l’histoire, cela ne pourra se faire que de manière révolutionnaire. Le terme « communisme » désigne à la fois la doctrine et le but de cette égalité de tous. Ce but atteint, l’histoire sera achevée.

MILL John-Stuart (1806-1873) : l'utilitarismeDe l'utilitarisme

Il ne faut surtout pas voir, dans l’utilitarisme de Mill, l’expression d’un principe économique avide qui ferait de l’utilité la seule valeur acceptable. L’utilitarisme, tel que nous le pensons ici, ne nie pas l’importance de certaines choses souvent considérées comme « inutiles » par les partisans d’une économie de marché. Mill traite d’ignorants ceux qui opposent l’utilité au plaisir. D'ailleurs, l’utilitarisme a pour but principal le bonheur. Une action est considérée bonne si elle accroit la somme de bonheur au sein d’un groupe social. L’idée est de réaliser le maximum de bonheur pour le maximum d’individus.
Mais ne confondons surtout pas « plaisir » et « satisfaction ». Le bonheur n’est pas la jouissance, ce serait plutôt quelque chose qui s’apparenterait au bien-être. Ce n’est pas la quantité de plaisir qui doit prévaloir, c’est la qualité.
Ce à quoi aspire John-Stuart Mill, c’est une société où l’argent ne serait pas roi, où le plaisir d’un petit groupe ne suffirait pas à justifier l’exploitation du plus grand nombre. Certes, en bon pragmatique, tout le monde ne pourrait pas être heureux, mais chacun aurait le droit d’essayer de l’être sans le faire au détriment de son semblable.

NIETZSCHE Friedrich (1844-1900) : l'éternel retourAinsi parlait Zarathoustra

L'éternel retour est une solution à la question : comment agir pour bien agir ? On connait la réponse de Kant (voir l'article consacré à l'impératif catégorique), mais, pour Nietzsche, elle contient trop de "moraline". Il préfère une expérience vivante à un pur concept. La morale doit s'éprouver. La question est donc la suivante. Agiriez-vous comme vous avez agi ou comme vous vous apprêtez à agir, si vous étiez condamnés à répéter ce geste et à en assumer éternellement les conséquences ? Si, par exemple, vous étiez condamnés à revivre éternellement votre existence à l'identique ?
C'est une invitation abyssale à nous plonger dans la vie concrète, à se refuser toute excuse toute fuite théorique. Ici, seul compte la vie réelle, celle que l'on construit par ses actes. Quand on envisage la possibilité qu'elle se répète éternellement, on en comprend toute la profondeur. C'est cela la vraie morale, celle qui nous plonge dans la vie. Pas celle qui cherche des principes ou des valeurs abstraites, voire métaphysiques.

PASCAL Blaise (1623-1662) : le divertissementLes pensées

Se divertir ne veut pas seulement dire s'amuser. Étymologiquement, cela veut dire "regarder ailleurs". C'est à cela que pense Blaise Pascal quand il utilise ce terme. S'amuser n'est pas la cause du divertissement, c'est simplement l'une de ses conséquences. On peut se divertir de mille manières. Un homme qui se noie dans le travail ou dans l'alcool répond à la clause du divertissement. Et pourtant, il n'y a rien de plaisant dans les deux cas. Qui peut penser que l'épuisement ou la gueule de bois est une bonne chose ? Pour Pascal est divertissement tout ce qui nous détourne de la réalité de la condition métaphysique de l'homme. Pour lui, nous sommes des êtres insignifiants, voués à la mort, qui ne peuvent trouver un sens que s'ils se tournent vers quelque chose de plus réel. Et ce réel, pour Pascal, c'est Dieu. Aussi, il n'est pas nécessaire d'être un pervers pour se divertir, il suffit simplement de ne pas être pieux. Cela relativise l'idée de plaisir, non ?

PLATON (-427 / -347) : l'amour - Le Banquet

La philosophie de Platon est profondément dualiste. C'est une morale qui est structurée des oppositions radicales. L'idée d'amour n'échappe pas à cette condition. Il y a une opposition fondamentale entre ce que l'on nomme l'amour platonique et ce que l'on va appeler l'amour biblique. Cette dernière appellation concerne l'amour physique, sexuel, celui qui produit des plaisirs sensuels. Platon n'a aucune sympathie pour ce penchant qui, selon lui, ne fait que satisfaire des tendances animales. La grandeur de l'homme ne se trouverait que dans l'âme ou du moins dans ce qui nous met en contact avec un monde bien plus spirituel que ce que peuvent proposer les désirs physiques. Aussi, les thuriféraires du platonisme devront se contenter d'un amour "pur" sans rapports physiques, sans chaleur "animale".

SARTRE Jean-Paul (1905-1980) : l'existentialisme
L'existentialisme est un humanisme

Disons-le tout de suite, Sartre n'est pas le seul existentialiste comme on a coutume de le croire. En revanche, il y a un existentialisme typiquement sartrien. C'est quand "l'existence précède l'essence". L'existence, c'est tout simplement le fait d'être. L'essence, c'est ce que nous sommes réellement, ce qui nous définit particulièrement. En affirmant que l'existence précède l'essence, Sartre affirme que l'homme n'est rien d'autre que la somme de ses actes. Il ne naît pas déterminé par telle ou telle qualité ou tel ou tel défaut. L'espèce humaine n'est ni bonne ni mauvaise, ni vertueuse ni perverse. Elle "est", c'est tout. Mais attention, cela ne veut pas dire que l'homme n'est rien. Il peut devenir bon ou mauvais, cela ne dépend que de lui. C'est cette extrême liberté que souligne Sartre.

SCHOPENHAUER Arthur (1788-1860) : la volontéLe monde comme volonté et comme représentation

Quand la philosophie classique parle de volonté, elle désigne cette faculté qui permet à l'homme d'imposer des choix rationnels à ses décisions. Pour Descartes, par exemple, la volonté est ce qui nous permet de dominer les pulsions ou les désirs déraisonnables. Même si elle ne s'identifie pas à la conscience, elle en est le meilleur serviteur.
Si l'on veut comprendre Schopenhauer, il faut oublier tout cela. La volonté n'a rien à voir avec une faculté de l'esprit. Elle en est même le contraire, elle est l’envers de la « représentation ». Cette dernière désigne la manière dont l’homme se représente le monde, la manière sont il se l’approprie à travers son intelligence et ses perceptions. La volonté désigne le monde en lui-même, les forces qui agissent indépendamment de ce que l’homme peut comprendre ou percevoir. En forçant un peu l’idée, on pourrait dire que la volonté c’est la « Vie », cette puissance qui anime tout ce qui est et qui impose son être à tout ce qui en dépend. Elle ne dépend pas de nous, c’est nous qui dépendons d’elle. La conscience nous donne l’illusion du contraire, c’est pourquoi nous ne comprenons jamais réellement le monde.

SPINOZA Baruch (1632-1677) : le parallélismeL'Éthique

La tradition philosophique, depuis Platon, distingue ce qui relève de l'âme et ce qui relève du corps. Cela se nomme le dualisme. Il y aurait d'un côté les idées, la spiritualité, la science, l'intelligence et de l'autre les passions, les désirs serviles ou, plus simplement, l'animalité de l'homme. La partie "haute" nous élèverait et la partie basse nous entrainerait vers l'indignité. Le christianisme s'est largement fait le relais de cette dualité qui glorifie le monde divin et qui mortifie le monde humain. Spinoza refuse cette division. Selon lui, l'âme n'a rien de noble en soi et le corps rien de repoussant en soi. Il y a des idées fausses, tout comme il y a des pulsions condamnables. De même, il y a des idées brillantes et des désirs vertueux. Cela ne tient pas à la nature des choses, mais à la manière dont on les conçoit. Aussi, cessons d'opposer l'âme et le corps et enjoignons-les de s'éclairer l'un l'autre. De ce "parallélisme" naîtra peut-être un esprit sain dans un corps sain. On ne peut pas espérer mieux.

SPINOZA Baruch (1632-1677) : le conatusL'Éthique

Pour Spinoza, ce qui guide profondément la vie humaine, ce n’est pas une âme immatérielle qui recherche la vérité ou la justice. C’est avant tout une force qui nous pousse à être. Avant de devenir des êtres de raison, nous sommes principalement des êtres de désir. Un enfant qui ne parle pas encore est cependant assez intelligent pour savoir qu’il doit se nourrir pour survivre. Le corps, ou plutôt la vie parle à travers ce qui nous affecte. Exister, c’est d’abord chercher à survivre.
Le terme conatus, en latin, renvoie à l'idée d'effort. On a coutume de le traduire par une paraphrase : "effort de persévérer dans son être". C'est cela le conatus, ce qui nous pousse à être.
Selon Spinoza, le fait que nous devenions des êtres rationnels et raisonnables ne change rien à ce fait. Même le sage est un être de désir. D’ailleurs, le sage est peut-être plus que tout autre homme un être de désir. Ce qui le distingue, en revanche, des êtres vulgaires, c’est qu’il sait comme utiliser ces désirs pour ne jamais rien céder à l’excès ou à l’ignorance qui caractérise les êtres tristes. La « joie » ou le bonheur dépend entièrement de notre aptitude faire de ce conatus une « puissance » positive.

WITTGENSTEIN Ludwig (1889-1951) : le silence - Tractatus logico-philosophicus

La dernière phrase du Tractatus logico-philosophicus est la suivante : "Ce dont on ne peut parler, il faut le taire." Que veut dire Wittgenstein quand il énonce ce devoir de silence ? Il souligne peut-être simplement qu'il ne faut pas parler pour ne rien dire ou bien qu'il faut éviter de parler de ce qui n'a pas de réalité. La philosophie ne doit pas spéculer sur des possibles ou des imaginaires. Par exemple, que peut dire le philosophe de la vie après la mort, de la réincarnation des âmes ? Rien, car cela dépasse ses compétences étant donné que ces idées ne sont réductibles à aucun savoir. Il y a des limites à ce dont on peut parler. Souvenons-nous de l'injonction de Kant, dans la Critique de la raison pure, quand il nous invite à limiter le savoir au champ de l'expérience possible. En effet, les concepts sont vides et les intuitions sont aveugles. Parler n'est pas une fin en soi.
















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Dernière modification le : 25/10/2024 @ 16:57
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