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Exemple - explication séries G


 

Un exemple d'explication de texte de séries générales

[Ce sont des conseils de rédaction, pas une dissertation rédigée]



Le thème de ce texte est très clairement le machinisme. La révolution industrielle est-elle un mal ou un bien ?
L’auteur ne juge pas la technique dans son ensemble, il combat deux préjugés courants.
La thèse de l’auteur est que la révolution industrielle peut être une vraie opportunité pour le travailleur s’il est décidé à s’émanciper de sa condition sociale.
Pour le découpage, on peut diviser le texte en deux ou trois parties (selon qu’on considère les trois premières lignes comme une partie ou non).
De la ligne 1 à 3 : L'auteur annonce le plan de l’extrait.
De la ligne 3 à la ligne 9, Bergson réfute le premier préjugé. Celui qui consiste à dire que l’un des grands problèmes du machinisme est qu'il déshumanise l'ouvrier pour ne faire de lui qu'un outil parmi les autres.
De la ligne 9 à 12, il dit pourquoi la standardisation du produit de consommation n’est pas un obstacle majeur à la liberté de l’homme.

Une remarque importante : Il y a un non-dit, dans ce texte. C’est ce que Bergson appelle le « grief essentiel ». On laissera au candidat le soin de dire de quoi il s’agit. Le correcteur s'attend à ce qu’une hypothèse soit produite. Peu importe que ce soit l’objection réelle de Bergson, car le candidat n’est pas censé connaître la pensée historique de l’auteur. Il faut simplement que l’hypothèse proposée soit cohérente avec le propos du texte.

Pour information : Les griefs que reproche Bergson, c’est que le machinisme a poussé au consumérisme, qu’il a vidé les campagnes au profit d’une sur-urbanisation et qu’il a radicalisé la lutte des classes.

Ici, on pouvait raisonnablement s’attendre du candidat qu'il dise que le machinisme à produire une culture artificielle et vaine (une sous-culture) qui fait triompher l’amusement sur toute autre sorte d’activité.

La première critique de Bergson concerne donc le fait que la machine serait supposée déshumaniser l’homme pour le transformer en outil voire lui-même en machine.
L’idée n’est pas sotte et pour quiconque aura lu un peu les textes de Karl Marx, la remarque est pertinente. Soulignons que Bergson ne fait pas l’apologie de la machine, il nuance le propos. S’il est vrai que les hommes peuvent devenir l’esclave d’un système où la machine est centrale et où il deviendrait un moyen de production et non une fin en soi, cela ne signifie pas que cet inconvénient ne peut pas générer un certain nombre d’avantages.
En effet, l’automatisation des tâches produit un rendement très efficace, auquel ne peut pas prétendre le travail manuel traditionnel. En même temps, si le travail est plus productif et plus efficace, il devrait prendre moins de temps donc moins aliéner le travailleur.
L'ouvrier aurait donc davantage de loisirs, qu’il pourrait consacrer à la lecture, à l’apprentissage des sciences, à l'étude de l'histoire, aux langues étrangères...
Hélas, Bergson se rend bien compte qu’il n’en est pas ainsi. Comme le montrent bien les romans de Zola, il n’est pas rare de voir les travailleurs se détourner de ces activités intellectuelles au profit de loisirs moins constructifs, voire carrément aliénants (voir « L’Assommoir» de Zola).
Mais, les ouvriers sont-il totalement coupables de cette « servitude volontaire » ? Pas vraiment. C’est ce que Bergson laisse entendre. En effet, un homme est-il totalement innocent de sa propre servitude ? S’il est doué d’intelligence, ce qui est évidemment le cas, il devrait comprendre qu’un loisir stupide rend stupide et qu’une activité intelligente ne peut que rendre plus libre et plus autonome.
Hélas, le choix n’est pas aussi simple. Le groupe industriel qui emploie l’ouvrier ne lui impose pas qu’une cadence de travail, il s’emploie aussi à faire en sorte que l'employé ne cherche pas trop à améliorer sa situation sociale. Il ne faudrait surtout pas que tous les ouvriers se transforment en militants syndicalistes. Il ne faut pas concurrencer la classe sociale dominante. Aussi, cette dernière apprête des activités purement ludiques destinées à contenter les désirs les plus vides, les plus vagues et les moins constructifs.
Aujourd’hui encore, on peut se demander si les grandes manifestations sportives (surtout le football) ou les parcs d’attractions ne jouent pas principalement ce rôle.
Notez bien qu’il ne s’agit pas de victimiser une classe sociale. Bergson dit très clairement que l’ouvrier donnera à son intelligence le développement qu’il a « choisi ». Il a le choix, non pas parce qu'il est ouvrier, mais parce qu'il est un homme. Peut-être cela laisse-t-il supposer que la condition "métaphysique" est supérieure au statut social. Ce qui est le cas, chez Bergson.

La deuxième critique concerne l’uniformité du produit, c'est-à-dire la standardisation. On peut se demander en quoi c’est un inconvénient. En effet, aujourd’hui nous possédons à peu près tous les mêmes objets produits dans les mêmes usines. Cela ne nous émeut pas particulièrement. On peut même chercher à posséder ce que la majorité des gens possèdent, car c’est un produit efficace ou tout simplement à la mode.
Mais la critique n’est pas absurde. L’uniformisation des produits peut poser problème.
D’abord, il est vrai qu’un objet produit en grande quantité dans une usine est moins soigné que ce que peut faire un artisan. La production en série cherche à produire massivement, à un coût faible, donc avec des matériaux de moindre qualité et une finition souvent grossière. Ainsi, cette critique qui repose sur l’uniformisation des produits serait avant tout une manière de souligner la mauvaise qualité des produits industriels.
On pourrait aussi produire l’argument selon lequel cette uniformité des produits de consommation finit par uniformiser le monde. Si tous les habitants de la Terre consomment les mêmes produits issus des mêmes usines, ne perdons-nous pas un peu de notre âme ? Le propre de l’humanité est d’être un ensemble d’individus totalement différents, de cultures différentes. Ce qui fait notre richesse est notre diversité. Ce qui fait notre identité est notre pluralité. Sans cela, nous risquons de n’être plus, les uns, que les clones des autres. Cet argument est important.
Néanmoins, l’argument que Bergson met en avant, c’est que cela « heurte le sens artistique ». À côté de nos deux remarques précédentes, cela semble une idée plutôt secondaire. En effet, c’est une préoccupation que l’on n’hésiterait pas à considérer de « bourgeoise ». Qui rechigne à utiliser un outil qui pourrait lui faciliter l’existence, voire le rendre plus libre parce qu’il serait laid ou disgracieux ? Pas un homme dans le besoin. Ce serait plutôt celui qui a le choix, celui dont la vie ne dépend pas de cet instrument. L’autre se fait une raison.

En fin de copie, il est vivement conseillé de revenir sur le début du texte et tenter de définir ce qui serait, selon votre analyse du texte de Bergson, le grief essentiel.











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